"Les Passeurs" film documentaire sur les Scènes nationales - réalisation Jacques Deschamps
"Les Passeurs" film documentaire sur les Scènes nationales - réalisation Jacques Deschamps
Sortie en salle octobre 2023
Produit par TS Productions, co-produit par l’Association Scènes nationales avec le soutien du ministère de la Culture - Direction générale de la création artistique, dans le cadre des 30 ans du label « Scène nationale ».
Ce projet de film "pour" et "avec" le réseau est une aventure artistique et humaine commencée en 2020-2021 à la sortie de la crise sanitaire qui a traversé le monde.
Il se veut une passerelle vers les publics, notamment ceux qui ne connaissent pas notre réseau.
Le mot de Jacques Deschamps, réalisateur du film
Genèse des Passeurs
Un jour, Catherine Rossi-Batôt, directrice de Lux - Scène Nationale de Valence, me contacte. Mandatée par l’ASN, l’Association des Scènes nationales, elle me propose de réaliser un film qui raconterait et décrirait ce qui se passe dans leurs maisons. Je suis libre de proposer une forme, un essai, un récit, le mode que je choisis.
Aussi, pendant quelques semaines, je sillonne le pays et rends visite à des Scènes nationales où l’on m’attend pour que je voie et entende ce qu’on y fait. J’écoute les histoires à chaque fois singulières de ces anciens théâtres, cinémas, maisons de la culture, rebaptisés « Scènes nationales ». Je découvre de grands bâtiments sortis de terre, beaux gestes d’architectes, pensés pour la création et l’accueil des publics. Je me fais décrire les modes de fonctionnement de ces maisons qui bénéficient de financements nationaux, régionaux, municipaux. Je vois des spectacles de grande beauté, assiste à des événements intrigants, rencontre des artistes exigeants. J’assiste à des réunions d’équipes, à des répétitions de spectacles, à des expositions d’artistes associés. Je comprends que les actions hors les murs et les interactions avec les publics particuliers de chaque territoire sont essentielles dans la vie de ces Scènes.
Plus j’en apprends, plus je me demande comment rendre compte, par un film, de cette multiplicité d’actions propres à chacune, de ce maillage qui les relie et leur permet d’irriguer (presque) tout le pays. Ces espaces sont ouverts à l’invention, à la création, à la diversité des formes, des disciplines artistiques. Ouverts aux artistes, aux publics, aux voisins, à ceux qu’on ne voit pas dans les lieux de culture. Au-delà de la singularité et des qualités de chacun, ce qui fait lien entre ces lieux, c’est l’ouverture. Finalement, c’est la notion d’hospitalité qui est la plus juste et pertinente pour tenter de saisir toute cette diversité.
Et si nous racontions la visite de ces lieux du point de vue d’un étranger ou d’une étrangère qui découvre ces espaces d’hospitalité et fait part de ses surprises à un ou une proche resté(e) dans leur pays ? Sur le mode des Lettre Persanes, de Montesquieu. On regarderait quelque chose qui se passe bien en France, à quoi nous sommes accoutumés, avec le regard de celui et celle qui trouvent cela presque exotique.
Je vais de scène en scène, de ville en ville, pour les deniers repérages et premiers tournages du film, et je me retrouve proche d’une vie d’artiste, de danseur ou de comédien en tournée. Je découvre les moments où, une fois les lumières de la scène éteintes, une exposition décrochée, un décor démonté, on retrouve l’obscurité et le silence des plateaux, des salles, des halls. J’aime ces temps intermédiaires où les lieux dorment dans l’attente de nouvelles images, de nouveaux éclairages, couleurs, présences, musiques, sons... ceux des spectacles et créations à venir, qui ont une vocation aussi éphémère que ceux auxquels ils succèdent.
Ces lieux vivent, se reposent et s’animent comme des êtres vivants, ils obéissent à des rythmes de lumières et d’ombres auxquels le cinéma, et ce film particulièrement, peuvent être sensibles.
Aussi pensons-nous que le film pourrait prendre la forme du journal filmé d’une danseuse qui découvre la France, qui filme tout ce qu’elle voit, en passant d’une scène nationale à l’autre, et le raconte à un ami danseur blessé, qui n’a pu participer à la tournée. Celle qui bouge et danse, celui qui reste et attend : le mouvement du côté de celle qui voit, montre et raconte (la danseuse, double du cinéaste), l’immobilité du côté de celui qui regarde, écoute et commente (le danseur à l’arrêt, double du spectateur).
Il s’agit donc d’un film de voyage et d’impressions collectées par une danseuse qui a le sens de l’espace et du mouvement, mais dont on ne verra a priori pas le visage ni les pas — quand elle danse, elle ne filme pas. Elle croise beaucoup d’autres artistes, se mêle aux publics des spectacles qui se jouent avant ou après le sien. Elle saisit des éclats, des moments, des fragments d’œuvres et de créations, et sa VOIX témoigne de tout cela. Une autre voix, celle de son interlocuteur, donne de ses nouvelles, de sa convalescence, de son pays, mais surtout commente, critique, se laisse surprendre par tout ce à quoi elle assiste. Il la questionne aussi sur les usages singuliers de ce pays étranger, la France, et de ses institutions culturelles un peu spéciales appelées Scènes Nationales.
Cette danseuse en tournée et ce danseur immobilisé n’existent pas réellement. Ils n’ont pas même d’accents, ni persan, ni d’ailleurs, ce sont deux acteurs français qui leur prêtent leurs voix pour dire les échanges que nous avons écrits durant le tournage, et beaucoup réécrits tout au long du montage. Mais les Scènes Nationales où la danseuse imaginaire se rend, les spectacles, expositions, performances qu’elle y voit en répétition ou en représentation, existent vraiment. Ce film propose donc un voyage bien réel dans une France dont les visiteurs fictifs découvrent l’une des passions, pour le spectacle vivant, les images, la culture.
Nous avons tourné depuis l’hiver 2021 jusqu’à la fin de l’été 2022 et, au milieu de notre « tournée- tournage », une guerre a commencé aux confins de l’Europe ; le théâtre d’une ville, Marioupol, a été bombardé ; nous n’avons pas pu ni voulu ignorer ces faits. La part fictive de notre film en a été modifiée, il s’est ouvert à ce qui a surgi alors, et la tournée s’est achevée dans une des Scènes Nationales qui a fait acte d’hospitalité en accueillant les Dakh Daughters, une troupe venue d’Ukraine. Le destinataire des lettres filmées de la danseuse, tout en restant fictif, a eu un autre destin que celui que nous lui avions inventé.
J’ai eu le privilège de pouvoir circuler librement dans ces lieux, les coulisses, les bureaux, les salles vides avant l’arrivée des publics, d’assister aux coups de chaud avant le lever de rideau, de partager les moments de joie quand le public applaudit. Pour cela, un remerciement particulier à Catherine Rossi- Batôt et Fabienne Loir, de l’ASN, qui nous ont guidés et accompagnés tout au long du chemin. À tous les directeurs et directrices des Scènes qui nous ont accueillis lors des repérages et des tournages. À tous les artistes, technicien(ne)s, metteurs-ses en scène qui nous ont autorisés à filmer leur travail.
Jacques Deschamps
Le mot de Catherine Rossi-Batôt, administratrice référente dans le domaine du cinéma pour l'ASN
Le cinéma s’avère un révélateur qui filme les arts et les artistes et peut également témoigner des aventures artistiques, culturelles et humaines qui se tissent dans nos maisons. Ces potentialités nous ont amené à développer un projet de film au sein du réseau, ponctuant l’année des 30 ans du label.
Plutôt qu’une commande institutionnelle, il s’agit d’une association artistique avec un documentariste pour et avec le réseau des Scènes nationales en lui proposant de révéler à travers son point de vue, son écriture et son dispositif, nos convictions et nos engagements. Le format est celui d’un long métrage, nourri d’immersions dans l’activité de certaines de nos maisons, choisies pour leurs représentativités mais aussi spécificités, le film est conçu selon une dynamique narrative privilégiant le commun, plutôt qu’une exhaustivité de situations.
Le récit a été fictionnalisé à partir de ce réel pour composer une œuvre, film singulier et engagé, révélant nos engagements aux côtés des artistes et avec les populations de nos territoires, en écho aux soubresauts du monde contemporain.
C'est un road-movie réel, mais aussi un film épistolaire, fondé sur la correspondance entre deux danseurs qui parlent de leur métier et regardent un pays et son système culturel enviable...
Pour le tournage, Jacques Deschamps a choisi une dizaine de projets artistiques en Scènes nationales, privilégiant les diversités territoriales et formelles des propositions. Les Scènes nationales d’Evry, Valence, Marseille, Amiens, Alès, Valenciennes, Besançon, La Martinique, Sceaux ont accueilli le réalisateur qui a suivi dans chaque Scène nationale la vie de son équipe et la mise en œuvre de la rencontre entre artistes et spectateurs, les interrogations et plaisirs suscités.