Le TSQY prépare sa mue
Le TSQY prépare sa mue
Les enjeux de la rénovation
Le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale, a ouvert ses portes en septembre 1993. Construit par l’architecte polonais Stanislas Fiszer, et symboliquement situé au bout de l’Avenue du Centre sur la place la plus fréquentée, il est aujourd’hui un élément essentiel du patrimoine contemporain. Sa rénovation entend répondre à des problématiques pratiques mais est aussi le fruit de la réflexion sur la place et le rôle d’un Théâtre dans une agglomération de 230 000 habitants, dans un contexte de profonde mutation des habitudes de sorties culturelles.
En 1993, lorsque le Théâtre est inauguré par le Préfet Erignac, Saint-Quentin-en-Yvelines est encore une « ville nouvelle », et son nouveau et majestueux Théâtre incarne une volonté politique forte, dans un ensemble de communes où l’éducation populaire revêt une dimension toute particulière. Le Théâtre de l’Unité y a fait un formidable travail de terrain et les « pionniers » du territoire fréquentent le spectacle vivant depuis des années. Par ailleurs, de nombreuses œuvres d’art sont aussi présentes dans l’espace public.
Avec un nouveau bâtiment comme il en existe peu en Île-de-France, le spectacle vivant se trouve désormais doté à SQY d’un outil qui lui offre une nouvelle dimension: une salle de 1 000 places qui s’inspire du Teatro Olimpico de Palladio et peut accueillir toutes les formes artistiques ; une petite salle de 300 places qui, en contrepoint, joue la proximité entre les artistes et les publics ; un studio de danse ; des studios d’hébergement pour les équipes artistiques accueillies ; le tout dans un complexe culturel qui accueille également la médiathèque centrale d’un des premiers réseaux de lecture publique en France.
Avant même sa construction, la crainte de ne pas maîtriser les coûts avait cependant réduit l’ambition du projet. Dans ses plans initiaux, Stanislas Fiszer avait imaginé un café sur le parvis, des ateliers de construction à l’arrière de la scène et une petite salle modulable. Au final, sont supprimés 7 mètres en façade et 7 m à l’arrière. Le café du théâtre se retrouve ainsi à la sortie « basse » du grand théâtre, les gradins du petit théâtre deviennent fixes, les ateliers de construction disparaissent et les espaces intérieurs dédiés à l’accueil et à la circulation des publics sont limités.
Les problématiques
Depuis 1993, le secteur de l’hypercentre de SQY a profondément changé avec la construction de centaines de nouveaux logements, de nouveaux sièges sociaux, d’un centre commercial et l’arrivée de 25 000 étudiants (UVSQ - Université Versailles Saint-Quentin). Le projet de rénovation de l’hypercentre est l’occasion d’une réflexion entre l’Agglomération, le TSQY et l’Agence Café Programmation sur l’évolution de la place d’un Théâtre dans un projet urbain. Outre sa fonction artistique, comment peut-il, d’un point de vue urbain et architectural être moins intimidant, plus « invitant », plus facile à s’approprier, y compris lorsque l’on n’est pas un spectateur ? Comment peut-il mieux prendre en compte son environnement immédiat et devenir un outil de connexion sociale au quotidien, y compris en dehors des temps de représentation ? Comment, les soirs de représentation, peut-il rendre plus conviviale et festive la sortie au théâtre, la rencontre avec les œuvres ?
Outre les aspects pratiques (accueil et circulation des publics, rénovation du grand et du petit théâtre), le projet devait répondre à des questions d’ordre symbolique, urbanistique et architectural.
Dans le cadre d’une procédure de dialogue compétitif, l’agence Fagart/Fontana + Leininger a été retenue par l’Agglomération de SQY, ses partenaires (Etat, Région Île-de-France, Département des Yvelines) et Stanislas Fiszer, architecte du bâtiment.
L’intervention technique sur les espaces scéniques (changement des fauteuils des deux salles, mise aux normes des emplacements PMR) ne posait pas de problèmes particuliers. Les agences étaient surtout attendues sur les questions de connexion du Théâtre à son environnement, sur le respect des grands « marqueurs » architecturaux du bâtiment initial, sur la question de la convivialité et de circulation des publics et sur la prise en compte des questions écologiques.
L’Agence propose de recouvrir l’avant du parvis, visible de la place, d’une aile en aluminium anodisé de faible hauteur et de 55 m de long qui descend en pente douce vers la place Georges Pompidou. L’arrière du parvis, non visible depuis la place, est une verrière de la même longueur qui s’ouvre sur la façade du bâtiment original. D’un point de vue architectural, le nouveau projet conserve les marqueurs du bâtiment initial (arche, verrière, façade, piédestaux). Le grand parvis de 800 m2, jusqu’alors élément de séparation entre la place et l’entrée du théâtre, devient un trait d’union, un grand lobby urbain abrité. En venant s’arrimer à la façade sans la modifier, il crée de nouveaux espaces et révèle certaines potentialités du bâtiment. La promenade architecturale imaginée par Stanislas Fiszer, dans ce bâtiment ultra-référencé, devient possible puisque la circulation des publics peut se déployer autant sur le parvis qu’à l’intérieur du bâtiment. Les coursives à l’entrée et à la sortie de la grande salle, débarrassée de la file d’attente de la billetterie ou de l’entrée en salle, retrouvent une fonction de circulation, les publics pouvant désormais attendre à l’abri sur le parvis, qui accueille désormais la billetterie dans un espace non-contraint. L’arrimage de la couverture à la façade originale connecte aussi le lobby au foyer bas du grand théâtre (actuel bar qui sera réaménagé avec des systèmes d’alcôves), alternative idéale pour celles et ceux qui recherchent un endroit plus calme. La couverture du parvis offre aussi un grand espace facilement polyvalent : circulation des publics, performances, lectures, banquets, ...
Dans le nouveau projet, le parvis acquiert les fonctions de convivialité jusqu’ici absentes. Avec d’autres outils architecturaux, la proposition se rapproche de l’idée de Stanislas Fiszer d’un parvis vivant et accueillant. En s’appuyant sur les piédestaux, il imagine 4 « loges » ayant autant de fonctions complémentaires : l’entrée principale, un espace attente/détente/lecture, un café, un restaurant assis avec une grande cuisine et ses réserves. Café et restaurant sont visibles de l’extérieur et immédiatement accessibles à l’entrée du Théâtre et à la sortie des salles. Grâce à un système de rideaux sur patience, le parvis peut fonctionner de façon autonome même en dehors des heures d’ouverture du Théâtre (midi et soir, au quotidien) tout en faisant intégralement partie du lieu. La signalétique et les éléments de communication confortent le sentiment que même si l’on ne vient que pour déjeuner, on est à l’intérieur d’un lieu de production et de diffusion artistique. Dans son contenu, le restaurant est aussi imaginé comme un prolongement du projet artistique et de l’ancrage territorial du TSQY (cuisine issue à 80% de produits du terroir yvelinois et francilien).
En parallèle de la couverture de l’actuel parvis, l’agence Fagart/Fontana + Leininger, propose de rendre au public les 200 m2 de terrasse extérieure du petit théâtre (terrasse située à l’étage et surplombant le parvis). Cet espace extérieur, quasiment inutilisé depuis l’ouverture du TSQY, devient un nouvel espace de convivialité aux beaux-jours, avec un nouveau sol, des réseaux électriques, un bar et un système de mobilier à déployer.
Le projet de rénovation-extension du TSQY est presque un cas d’école. En partant de questions très pratiques liées à la circulation et à l’accueil des publics et au vieillissement de certains équipements, il a permis une réflexion collective beaucoup plus globale dans le cadre d’une opération de requalification urbaine. Il se veut aussi une réponse à la multiplication de l’offre culturelle et artistique à domicile, qui oblige désormais les lieux de production et de diffusion artistique dans leur ensemble (théâtre, musée, salles de concert, médiathèques, …) à offrir des choses essentielles : le plaisir d’être ensemble et de s’y sentir chez soi. C’est aussi en ne déconnectant jamais la mission artistique et la convivialité que ce projet entend montrer, encore et toujours, que les scènes nationales s’adressent à toutes et tous.